Les Bacchantes constitue, pour Soyinka, une pièce « clairement
subversive », mais aussi une « célébration de la vie, sanglante et
tumultueuse », de la mort, « de l'ordre et du chaos ». Ce « banquet
prodigieux, barbare », cette manifestation clairvoyante du besoin
universel de l'homme de se mesurer avec la « Nature », le grand
dramaturge nigérian l'a conçu, dans son adaptation, comme une « fête
communautaire », mêlant musique, danse et chant. Frappé par la
ressemblance de Dionysos et d'Ogun, dieu yoruba des métaux, du vin, de
la création et de la guerre, Wole Soyinka oppose au despotique Penthée
(« Je veux de l'ordre »), les Bacchantes et le peuple de Thèbes, les
esclaves et les paysans. Ainsi, la Ménade Agavé déchire de ses propres
mains son fils Penthée. Sang versé sur la terre nourricière, qui se
transforme, finalement, en vin... Ponctué de chants traditionnels de
louange yorubas ainsi que d'extraits de son long poème Idanre, écrit
lors d'une nuit de pèlerinage au sanctuaire d'Ogun, ce drame rituel,
fort bien traduit par Etienne Galle, est un magnifique hommage à la
tragédie grecque autant qu'un superbe exemple d'un dialogue des
cultures, audacieux et réussi.