La décentralisation de la gestion des ressources forestières a conduit
à un foisonnement d'institutions locales dû à l'intervention dite «
participative « d'un projet forestier au Sénégal. Aux institutions
traditionnelles se sont ajoutées les institutions déconcentrées et les
services techniques de l'État, les collectivités locales et les
institutions mises en place par les projets forestiers, notamment le
Programme de gestion durable et participative des énergies
traditionnelle et de substitution (PROGEDE). Cette étude a cherché à
comprendre l'effet de ce pluralisme institutionnel - ce foisonnement
de nouvelles institutions - sur la décentralisation et sur la
démocratisation de la gestion forestière décentralisée. La
décentralisation a connu des avancées significatives depuis la
promulgation des textes de loi sur les transferts de compétences vers
les collectivités locales (RDS 1996).Cependant, le pluralisme
institutionnel ne semble pas vrai- ment être favorable à la
démocratisation au niveau local, car la confrontation des diverses
institutions locales issues de logiques et de systèmes sociopolitiques
divers (décentralisation, déconcentration, coutumes et traditions,
intervention des projets ou des Organisations non gouvernementales
(ONG) s'est soldée par l'émergence de nouvelles formes de hiérarchies
socio-politico-administratives au niveau local. L'intervention du
PROGEDE dans le cadre de la gestion décentralisée des forêts
communautaires a permis, tant soit peu, l'intégration de certaines
populations autochtones (directement ou par la contractualisation) à
l'activité de production du charbon de bois et a contribué à ouvrir
leur accès aux recettes relevant de l'exploitation commerciale de ce
produit forestier. Cependant, le Comité intervillageois de gestion et
de développement (CIVGD) est apparu comme une institution
communautaire autonome disposant de son propre territoire : la Zone
aménagée (ZA). Son autonomie face aux organes de la communauté rurale
est grandissante, même si l'esprit de la décentralisation voudrait que
toutes les institutions qui interviennent dans l'« espace public »
local soient subordonnées aux collectivités locales. Le pluralisme
institutionnel s'est également traduit par la récupération des
pouvoirs de gestion transférés aux institutions du PROGEDE par les
institutions coutumières, singulièrement les chefs de village au
détriment de l'institution décentralisée, le conseil rural. Cependant,
on peut se demander si l'État sénégalais n'est pas favorable à la
création de ces situations de renforcement d'autres institutions
locales au détriment de la collectivité locale. En effet, certains
responsables des institutions déconcentrées (agents forestiers et
sous-préfets) exercent des pressions sur les élus locaux pour faire
triompher les politiques nationales de gestion forestière sur les
demandes et les besoins locaux. C'est le cas dans l'exploitation du
charbon de bois où l'approvisionnement des centres urbains sert de
justification pour la subordination, par certaines autorités
déconcentrées, des priorités et des besoins locaux à la politique de
l'État sénégalais. Cette étude, menée dans plusieurs localités,
cherche à définir dans quelle mesure l'État et ses services
déconcentrés ne devraient pas améliorer la démarche qu'ils ont adoptée
vis-à-vis des collectivités locales pour mieux concilier les options
du « local » et celles du « national », et propose des recommandations
dans ce sens.